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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 15:33

L'aide à domi
cile aux personnes agées. Silence, on ferme !

Flambeau des services à la personne par le nombre de salariés (l'enquête concernant l'emploi dénombre 470 000 aides à domicile), par les perspectives annoncées de création d'emplois (l'ensemble des services à la personne devait créer 500 000 emplois en trois ans, selon un contrat d'objectifs et de moyens liant l'Agence nationale des services à lapersonne [ANSP] et l'Etat),   
aide-a-domicile-photo-copie-1.jpgl'aide à domicile est-elle en train de sombrer dans l'indifférence générale ?

Regardons-y de plus près. D'abord, l'aide à domicile est l'une des activités du champ des "services à la personne", un ensemble très éclectique (de l'aide à domicile auprès de personnes dépendantes au coaching sportif pour hauts cadres, en passant par le soutien scolaire et le ménage) ainsi nommé depuis la mise en application du plan Borloo dit "de cohésion sociale". En regroupant des activités relevant d'une part de l'action sociale (l'aide à domicile auprès des personnes âgées dépendantes) et, d'autre part, d'un marché lucratif de services pour ménages aisés (les services de ménage, et plus généralement de confort, cible principale du plan Borloo), de nombreux dispositifs publics ont visé à "rationaliser" l'activité indistinctement, mettant en danger les associations qui œuvrent dans ce champ.


On identifie plusieurs raisons de cette fragilisation des acteurs historiques du champ de l'action sociale. D'abord, cette rationalisation a rimé avec l'ouverture du marché, invitant les usagers à "choisir leur offre", provoquant une véritable "chalandisation" du social (M. Chauvière). Ensuite, par l'extension du chèque emploi-service universel et par la banalisation du recours au "gré à gré" (situation dans laquelle l'usager est son propre employeur, et le salarié est couvert par une convention collective minimaliste), le plan Borloo a stimulé l'emploi direct "discount", contribuant ainsi à créer des distorsions fortes dans l'accès aux services. Bien que financeurs de la principale aide sociale du champ (par l'intermédiaire de l'aide personnalisée à l'autonomie [APA]), les conseils généraux n'ont aujourd'hui plus la possibilité de s'opposer au développement de ces emplois dégradés, et sont sommés par les préfectures de laisser le "libre choix" aux usagers.


Dans ces conditions, comment s'étonner que les associations peinent à faire face au dumping économique et social que provoque cette multiplication d'emplois directs précaires ? Leur fragilité est d'ailleurs aggravée par la sédimentation de lois, souvent contradictoires, qui ont modifié des règles du jeu à peine mises en place. Ainsi, par exemple, en souhaitant favoriser la professionnalisation des salariés du champ, la loi de modernisation de l'action sociale de 2002 invitait les employeurs à entrer dans des programmes de qualification diplômante de leurs salariés, en particulier en favorisant, souvent par la validation des acquis et de l'expérience, l'accès au diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale. Trois ans plus tard, le plan Borloo a mis à bas cet édifice en centrant davantage son dispositif sur la professionnalisation des structures, et nettement moins sur celle des personnels de service au contact direct des usagers.

Les associations se sont retrouvées ainsi avec des salariés formés, qu'il fallait rémunérer en conséquence, dans une situation de disette de fonds publics. En effet, la loi de décentralisation de 2004 a, elle aussi, percuté cette logique, fragilisant plus encore les comptes sociaux des territoires, l'Etat ne compensant pas financièrement l'ensemble des compétences d'action sociale transférées aux conseils généraux. Dans un souci de "maîtrise" des dépenses publiques, ces derniers ont souvent limité et continuent de limiter la croissance des dépenses d'APA, fragilisant d'autant plus ces organisations. Les caisses régionales d'assurance maladie, qui interviennent sur le champ de la dépendance légère (groupes iso-ressources GIR 5 et 6) ne sont pas en reste, refusant souvent d'ajuster les tarifs conventionnés auprès des associations.


Pendant ce temps, par les généreuses déductions fiscales qu'il reconduit tous les ans, l'Etat n'hésite pas à dépenser annuellement près de 3,6 milliards d'euros, selon le dernier rapport de la Cour des comptes (2010), pour financer les services de confort dont profitent pour l'essentiel les 10 % des ménages les plus riches.

Ces dépôts de bilan et ces fermetures ne sont pas un épiphénomène et relèvent d'une restructuration profonde de l'action sociale en France. Comme l'aide à domicile est une activité réalisée à 98 % par des femmes, souvent peu qualifiées, ce sont sur elles que pèseront en dernier ressort les inconsistances et insuffisances des politiques de l'emploi. Ces fermetures se feront dans un silence que ne viendront pas non plus perturber les personnes âgées les plus fragiles socialement, qui iront sans doute se fournir au mieux sur le marché du gré à gré, au pire dans l'emploi au noir, à moins qu'elles ne renoncent à ce qui devrait être un droit, celui d'une vieillesse vécue dans la dignité.


Florence Jany-Catrice est membre du Centre lillois d'études et recherches sociologiques et économiques (Clersé), Université Lille 1.

 

Sur Le Monde.fr - photo Sidali-Djemidi/Gamma

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