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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 13:00

Chassez la niche fiscale, elle revient au galop…

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À quelques mois de la présidentielle, les suppressions d’avantages fiscaux tiennent lieu de solution miracle anti-dette publique. Le faible rendement de la chasse aux niches menée par le gouvernement depuis 2009 prouve que ce n’est pas si simple.

 

L’argument est sur toutes les lèvres politiques. Pour sortir du rouge les comptes de la France, il y aurait une vraie bonne solution : réduire les niches fiscales. De François Hollande à Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon à François Bayrou, les candidats à la présidentielle ont trouvé la martingale. Pour concilier promesses électorales et rigueur budgétaire, ils fustigent les milliards d’euros gaspillés en avantages fiscaux et assurent qu’ils en récupéreront le pourcentage voulu pour combler le déficit et financer leurs priorités.

Le gouvernement a largement contribué à lancer la mode. Depuis 2009, il rejoue chaque année la partition de la chasse aux niches fiscales. Les deux plans de rigueur annoncés fin août et mi-novembre par François Fillon tablent sur 5,6 milliards d’euros de recettes nouvelles pour 2012 et 1 milliard pour 2013 via cette méthode. Soit plus de la moitié des économies annoncées le 24 août et 8,5 % de celles du 7 novembre.


Poids des lobbies

Pourtant, quand l’heure des comptes post-2012 sera venue, il n’est pas sûr que le magot sera si élevé que prévu et que le futur Président pourra si facilement, au gré de ses besoins, rayer d’un trait de plume tel ou tel avantage fiscal. Car, comme le rappelle le député UMP Gilles Carrez, “dans chaque niche, il y a un chien qui mord”. Les parlementaires sont bien placés pour mesurer le poids des lobbies, qui sont les premiers à monter au créneau quand il s’agit de défendre les intérêts de leur territoire ou d’entreprises régionales. Début septembre, la volonté du gouvernement d’appliquer une TVA à 19,6 % sur les billets d’entrée des parcs d’attraction s’est ainsi heurtée à la bronca des élus disposant d’un parc dans leur ville, Jean-Pierre Raffarin en tête, volant au secours de “son” Futuroscope de Poitiers.

Preuve de cette capacité de résistance, la facture totale des niches fiscales – avant les récentes mesures de rigueur – était restée stable, voire avait légèrement augmenté entre les prévisions du budget 2011 et celles du budget 2012. En octobre 2010, le ministère du Budget anticipait sur 65,3 milliards d’euros de dépenses fiscales pour 2011. Un an plus tard, il tablait sur 65,9 milliards d’euros pour 2012. “Et encore, si vous ajoutez le coût de quelques mesures habituellement comptabilisées les années précédentes mais qui ne le sont pas cette année, vous franchissez la barre des 66 milliards d’euros”, relève Katia Weidenfeld, chercheuse en sciences sociales à Normale sup. La raison : si des niches fiscales ont effectivement été supprimées, d’autres ont vu le jour et celles qui demeurent inchangées attirent un nombre croissant de contribuables.


Rabot ou lime à ongles ?

Les exemples sont légion. Quelques semaines après avoir allongé le temps de détention d’une résidence secondaire nécessaire à l’exonération de la taxation sur les plus-values immobilières, les députés ont voté une exception. Ils ont accordé aux personnes non propriétaires de leur résidence principale de ne pas être taxées sur la vente d’une résidence secondaire achetée depuis plus de cinq ans. Voilà comment se recrée une niche évaluée à 150 millions d’euros. Autre aberration : alors que le gouvernement avait mis fin, en 2010, à un vide juridique en imposant les pensions de retraite versées par une entreprise étrangère à un Français résidant en France, la loi de finances rectificative 2011 a été l’occasion d’instaurer un prélèvement libératoire de 7,5 % plus doux pour une partie de ces contribuables. “Cela prouve que des suppressions isolées d’avantages fiscaux sans une remise à plat du système dans son ensemble risquent de ne pas avoir le rendement budgétaire attendu”, conclut Katia Weidenfeld.

Le plafonnement des niches fiscales de l’impôt sur le revenu n’a guère été plus lucratif. Il a beau avoir été fortement abaissé depuis 2009 (de 25 000 euros + 10 % du revenu imposable à 18 000 euros + 4 % du revenu imposable), il ne rapporte que quelques dizaines de millions d’euros par an aux caisses de l’État. La faute au nombre limité d’avantages sous la toise et à la tendance des contribuables à n’investir qu’à hauteur des avantages proposés. Le gouvernement s’en est rendu compte à ses dépens dès la première année, puisqu’il espérait récupérer entre 150 et 200 millions d’euros du premier plafonnement de niches en 2009 et qu’il a dû se contenter de… 22 millions d’euros.

De même, le fameux “coup de rabot” – que le député UMP Gilles Carrez avait qualifié de “lime à ongles” – porte sur moins d’un tiers des niches de l’impôt sur le revenu et ne devrait pas rapporter plus de 400 millions d’euros en 2011. Au total, la gauche peut railler le faible poids des suppressions de niches parmi les hausses d’impôts récemment décidées par le gouvernement. D’après les calculs de la commission des finances du Sénat, elles pèsent moins de 30 % des alourdissements successifs de prélèvements obligatoires de 2011 et 2012.


Niches efficaces supprimées

Et, à cinq mois de la présidentielle, la période est peu propice à un grand soir des niches fiscales. “Ce n’est pas maintenant que le gouvernement va s’attaquer à la prime pour l’emploi ou aux dispositifs réservés à l’outre-mer”, confie un haut fonctionnaire de Bercy. Le volumineux rapport de l’inspection des Finances publié en septembre, qui a tenté de mesurer l’efficacité de 538 niches fiscales et sociales, a aussitôt été relégué aux oubliettes (cliquez ici pour télécharger le rapport). Le gouvernement n’a repris quasiment aucune de ses propositions, hormis l’abandon du dispositif Scellier sur l’investissement immobilier.

Au contraire, comme le souligne la rapporteure PS de la commission des finances du Sénat, Nicole Bricq (lire son interview), 80 % des avantages fiscaux supprimés ou réduits en 2011 et 2012 sont jugés très efficaces par l’inspection des Finances (cliquez ici pour télécharger le rapport de Nicole Bricq). En vrac, la suppression du bénéfice mondial consolidé, l’intégration des heures supplémentaires dans le barème de calcul des allègements de charges ou l’aménagement du crédit impôt-recherche. Trois niches auxquelles l’Inspection avait décerné la meilleure note…


À croire que rationalité économique et chasse aux niches fiscales ne font pas bon ménage. En clair, ce n’est pas parce que certaines dérogations sont jugées inutiles pour l’activité du pays qu’elles seront faciles à supprimer. Le classement des dispositifs les moins efficaces et les plus coûteux établi par l’inspection des Finances l’illustre à merveille. Il contient des mesures aussi anecdotiques que l’abattement de 10 % sur les pensions de retraites et alimentaires, l’exonération de plusieurs prestations sociales de l’impôt sur le revenu ou encore la défiscalisation des heures supplémentaires. “Mais le travail de l’Inspection vaudra aussi pour le prochain Président, souffle un haut fonctionnaire des finances, quand la situation de la dette publique exigera de trouver d’urgence des dizaines de milliards d’euros de recettes.” Et cela pourrait advenir plus vite que prévu.


 

Les niches fiscales jugées par l’inspection des Finances
Non efficaces : 125 niches, pour un coût de 11,8 milliards d’euros
Peu efficientes : 99 niches, pour un coût de 28,2 milliards d’euros
Assez efficientes : 46 niches, pour un coût de 11,4 milliards d’euros
Efficientes : 69 niches, pour un coût de 9,3 milliards d’euros
Source : rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011


Lire aussi :
Nicole Bricq : “On crée des microtaxes et on les annule deux mois plus tard”

 

Laurent Fargues sur Acteurspublics.com

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