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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 22:42

 

Il y a des colloques qui ne servent à rien. Je l'avoue, je suis même intervenu dans certains. On espère toujours mais la lucidité impose parfois le triste constat d'un temps gaspillé.

Quel contraste avec "Les Assises de la Prévention de la Délinquance Juvénile" proposant de "se mobiliser autour de nouvelles réponses", organisées et présidées par Jean-Marie Bockel, Secrétaire d'Etat à la Justice avec le concours à la fois efficace et aimable de son directeur de cabinet Laurent Marcadier.


Pour être rebattu, ce thème demeure capital et le tour de force a été de passionner alors qu'une forme d'inéluctabilité morose pèse sur les esprits et laisse croire à tort que le combat est déjà perdu. Ce n'est pas en tout cas une mince affaire sur le plan social que de s'affronter à une problématique (Libération) concernant 370 000 mineurs pour l'année écoulée, aussi bien en matière éducative que pénale.


D'emblée a été évacuée cette fausse question de l'opposition absurde entre prévention et répression comme si l'une et l'autre n'étaient pas nécessaires mais n'avaient pas le même rythme et le même impact, la première étant destinée à modifier le tissu des destinées singulières et collectives à long terme et la seconde à intervenir dans l'urgence pour réparer les déchirures causées par de multiples transgressions, crimes et délits, à la fois de plus en plus graves et commis de plus en plus précocement. Rien n'est plus incohérent, comme on l'entend souvent dans les discours sulpiciens, que d'exiger de la prévention une action répressive et de la répression des conséquences durablement préventives. Ce sont deux mondes complémentaires mais qu'il convient de ne pas mélanger. Cette méthode salubre a été clairement adoptée par ces Assises et Jean-Marie Bockel l'a souligné dans son propos introductif.

Toutefois, ce qui a marqué les débats est une double réflexion sur les instances capables d'assurer et d'assumer la prévention de la délinquance juvénile (17% de la délinquance totale) et sur les modalités de leur action.

A la première interrogation, la réponse est facile puisque naturellement la famille, l'école et la citoyenneté constituent les terreaux et les structures susceptibles de favoriser ou d'imposer le cours paisible de parcours qui, sans leur aide et leur chaleur, dériveraient. Cette identification des forces positives de cohésion et de solidarité ne suffit plus, à elle seule, en dépit de la bonne volonté des uns et des autres, pour considérer qu'un barrage solide a été construit et que la délinquance juvénile va se trouver limitée.


Il y aura, pour celle-ci comme pour l'adulte, le poids, évidemment, des tempéraments individuels et de la liberté du "je" même s'il est permis de supposer que pour les mineurs les influences ont encore toute leur chance.

Plus profondément - et cette seconde interrogation prise de plein fouet a fait la richesse rare du colloque -, l'incertitude, si elle ne se rapporte plus aujourd'hui aux outils et aux agents de la prévention - parents, enseignants, citoyens -, est suscitée, en quelque sorte au second degré, par ce qui mine de l'intérieur les familles, l'école et la société. Ces forces que je qualifiais de positives sont elles-mêmes, et de plus en plus, corrodées, déstabilisées et détournées de leur mission. Loin de pouvoir aisément se consacrer aux tâches préventives pour sauver les plus jeunes, elles sont obligées de se concentrer, en désespoir de cause, sur elles-mêmes pour reprendre pied et vigueur. Malades, elles se doivent de guérir et de recouvrer une légitimité contestée pour redevenir, à part entière, des acteurs performants de la prévention de la délinquance juvénile.


On a entendu, sur le rôle des parents, des interventions remarquables, d'abord du procureur Jean-Claude Marin faisant état d'une pratique relative à des "stages parentaux" puis du président Jean-Pierre Rosenczveig soulignant la nécessité de tenir compte des nouvelles configurations familiales nées de l'évolution.


Pour l'école, est-il besoin d'insister sur le malaise de cette dernière chargée d'enseigner et d'éduquer quand au contraire, en certaines zones et pour certains établissements, la loi est faite par ceux auxquels elle devrait s'appliquer ? Les professeurs, la hiérarchie scolaire sont trop occupés à ne pas sombrer ici ou là pour s'offrir le luxe de remplacer les familles dans un travail préventif gâché en amont et que la communauté nationale aura du mal à réparer en aval.


Le civisme est atteint, lui, de toutes parts. Il n'est pas un quotidien qui ne se plaigne de l'incivisme, reprenant les doléances de beaucoup de nos concitoyens. "Un peu de civisme, s'il vous plaît", titre sur deux pages Le Parisien qui fait appel, pour les remèdes, à cinq personnalités. La plus farfelue est évidemment Alexandre Jardin qui souhaite "donner un rôle aux petits caïds" et la plus avisée Michel-Edouard Leclerc qui rêve "que les élites soient exemplaires". Le Figaro nous apprend que "65% des Français pensent que l'incivisme a progressé depuis dix ans... et ce sont les violences à l'école et le manque de politesse qui inquiètent le plus". Je ne m'amuserais pas de ces sombres perspectives qui, pour une large part, sont l'oeuvre de ceux qui les dénoncent mais je verrais plutôt dans ce consensus la marque d'une société atteinte en son coeur et qui, incapable d'être authentiquement citoyenne, est forcément inapte à apprendre la citoyenneté aux mineurs en danger.


Baisser les bras, l'esprit aurait été une tentation. Le contraire de la démarche initiée par Jean-Marie Bockel. Il est des colloques si utiles et réussis qu'ils sont déjà des actes.

La délinquance juvénile, si elle ne relève pas que de la responsabilité des mineurs, n'est pas irrésistible. Mais il ne faut pas laisser se dégrader les puissances bienfaisantes qui seules peuvent la prévenir.

 

Philippe Bilger sur son blog

 

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