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Section Daniel MAYER Canton de Mundolsheim
Fédération du Bas Rhin du Parti Socialiste
8 rue Saint-Ehrard - 67100 Strasbourg
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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 16:55

 

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Inventer à gauche est un cercle de réflexion politique, réformiste et européen.

 

L’ambition d’Inventer à gauche (IAG) est de renouer avec la société civile, les acteurs sociaux, les territoires et les villes, car c’est à travers leurs forces et leurs propositions que la gauche de gouvernement prend tout son sens.

 

Inventer à gauche a fêté sa deuxième année d’existence en janvier 2011. Au cours de ces deux années, nous avons animé de multiples réunions et rencontres ouvertes (sur la crise économique et financière, la politique de la ville, l’économie verte, les banlieues, l’énergie et l’avenir du nucléaire civil…).

 

Les dîners d'IAG sont l'occasion pour nos membres de questionner un journaliste politique invité sur des thèmes d’actualité (Jean-Marie Colombani, Luc Bronner, Laurent Joffrin, Claude Askolovitch, Nicolas Domenach...).

 

Les 2es Rencontres nationales d’IAG se sont déroulées à Strasbourg, le 22 janvier 2011, autour du thème « La France, l’Allemagne et la crise européenne». Avec plus de 400 participants, cette journée d’échanges et de débats entre sociaux-démocrates allemands et socialistes français a débouché sur un texte d’orientation sur l’avenir des relations franco-allemandes, cosigné par des responsables allemands et français.

 

Nous sommes heureux de vous adresser en pièce jointe ce document qui synthétise les débats et propositions avancées lors de ces 2es Rencontres nationales d’Inventer à gauche.

 

 

Vous en souhaitant bonne réception.

 

Bien amicalement,

 

 

Michel DESTOT

Président d’Inventer à gauche

Roland RIES

Sénateur-maire de Strasbourg

Catherine TASCA

Vice-Présidente d’Inventer à gauche

Alain BERGOUNIOUX

Vice-Président d’Inventer à gauche

Roger GODINO

Vice-Président d’Inventer à gauche

Alain RICHARD

Trésorier d’Inventer à gauche

Dominique de COMBLES de NAYVES

Secrétaire général d’Inventer à gauche

 Site Internet : http://www.inventeragauche.com/ 
 
 

Toute publication, utilisation ou diffusion
doit être autorisée préalablement.


Vous pouvez consulter le site de l'Assemblée nationale à
l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr
iag-fes-2emesrencontresstrasbourg.pdf iag-fes-2emesrencontresstrasbourg.pdf
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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 11:56

 

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Des décennies de législation sur l’habitat social n’ont guère entamé le déficit structurel concernant le logements social : 800 000 logements manquants en 2008, 900 000 en 2009, 133 000 SDF, plus de 2,9 millions de mal logés, 650 000 ménages en attente de satisfaction à leur demande de logement. Vu sous cet angle le tableau est pour le moins contradictoire avec les propos optimistes du ministère de tutelle.

 

A cejour, la demande de construction de logement social demeure constante, elle s'exprime partout sur le territoire national. Or sur la décennie 1999-2009  la part de l’état dans les financements de programmes de construction/rénovation est passée de 8% à 4%, à l’inverse des collectivités territoriales dont l'effort s'est haussé de 2% à 11% .

 

Cette montée en puissance des collectivités territoriales dans les financements ne compense cependant pas le désengagement public, lequel ne peut que s’amplifier si l’on songe au siphonnage de l’état sur les subventions programmées.

En effet, afin de payer sa dette de 340 millions d’euros à l'égard de l'Agence nationale de rénovation urbaine ou celles qu'il a contractées pour la construction de logements, ces ponctions vont de facto ramener les subventions à 160 millions en 2011, 110 millions en 2012 et 60 millions en 2013 !

 

La situation actuelle est donc bien entre les mains des collectivités locales, lesquelles ont déjà fort à faire avec les délégations de l’état non compensées à l’euro près là où les demandes sociales explosent.

 

Au-delà de la question du financement du logement social s’impose un autre problème qui est celui de sa mise en œuvre pleine et entière.

 

La loi SRU dans son article 55 impose désormais un pourcentage de 20 % de logement sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île de France) comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

Son application depuis le 13 décembre 2000 a permis une meilleure répartition du logement social à l’intérieur d’agglomérations d’importance, précisément là où les emplois, les réseaux de transports en commun et les services de proximité sont les plus fournis. Rares sont aujourd’hui les communes émargeant à ce dispositif et qui ne possèdent aucun logement social.

 

Pour autant l’article 55 est loin de faire l’unanimité dans toutes les municipalités concernées.  En bien des lieux, les HLM  sont caricaturés, décrits comme des terrritoires concentrant l'immigration, la pauvreté, l’insécurité, la diffusion de la drogue et autres trafics tombant sous le coup de la loi.

L'article L. 302-5 du Code de la Construction et de l'Habitation (CCH) est mal connu du grand public, il prévoit pourtant que les communes concernées par l'obligation de réaliser des logements sociaux peuvent s'y soustraire moyennat le paiement d'une taxe annuelle fixée à 20 % du potentiel fiscal par habitant multiplié par le pourcentage de logements sociaux manquant, avec un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de l'année précédente.

Cet article qui permet d'échapper à l'amende à bon nombre de communes ne disposant pas de terrain à bâtir ou d’un prix particulièrement élevé du foncier, pose aujourd’hui problème dans la mesure où les pénalités infligées sont loin d’être dissuasives, surtout lorsqu'il s'agit de communes dont le potentiel fiscal est particulièrement élevé.

Selon le ministère du Logement « il n'y a pas une application arbitraire de la loi et c'est aux préfets de juger de la réalité et de la sincérité des situations ». Ce faisant, les préfectures départementales peuvent mettre en place des critères permettant d'éviter l'amende, comme ce fut le cas en 2008 dans les Alpes Maritimes, où certaines communes n’ont pas été pénalisées alors qu'elles se situaient au-dessus du seuil des 50% de réalisation de logements ( Antibes (79%), Cagnes/Mer (54%), Menton (51%) Nice (51%), etc).

 

En 2010,  380 communes se sont acquittées d’un total de 31 millions d’euros au titre de la loi SRU, une somme relativement modeste au regard des 75 millions exigibles.

 

La distribution spatiale de ces communes est en elle-même révélatrice d’autres problématiques implicites comme ceux de la ségrégation sociale et du développement territorial équitable.

Une cartographie récente des communes contrevenantes  situe la majorité  de celles-ci en région parisienne, sur la côte Varoise et celle des Alpes Maritimes, à la périphérie de grandes villes comme Lyon, Marseille, Nantes, Lille, Strasbourg.

Plus près de nous, dans le périmètre des communautés urbaines de Strasbourg et Haguenau, 18 communes sont concernées.

Parmi celles-ci,10 seulement ont payé une amende : Haguenau – Schweighouse sur Moder – Geispolsheim – Hoenheim – Wolfisheim - Eckbolsheim – Oberhausbergen – Mundolsheim – Souffelweyersheim (ces 5 dernières communes étant toutes situées dans le canton de Mundolsheim). Les plus grosses impositions concernent : Haguenau (154 710 euros), Mundolsheim (148 452 euros), Geispolsheim  (110 437 euros), Souffelweyersheim (79 044 euros).

 

Un certain nombre d’associations et d’élus devant le caractère peu dissuasif de ces amendes souhaitent voir le montant de celles-ci sérieusement augmentées.

 

Ils estiment que l’égoïsme dont font preuve certaines municipalités est de nature à compromettre les solidarités qui existent entre les individus et entre les territoires, amenant de fait à la relégation d’une grande partie de populations en difficultés dans ce que ces mêmes municipalités stigmatisent au travers des quartiers dits sensibles.

 

Le 14 octobre 2008 dans une déclaration solennelle le Conseil régional d'Ile-de-France a proposé de tripler les sanctions pour les communes qui ne respectent pas leurs obligations au titre de l’article 55 de la loi SRU et de réduire de 20 à 10 ans le délai dans lequel les communes doivent avoir atteint leurs objectif.

C’est avec ce genre de propositions que nous assisterons à une meilleure prise en compte des objectifs de la loi SRU par les municipalités récalcitrantes, sans compter que le principe même de cette loi  devrait pouvoir être étendu à l’ensemble des communes inscrites dans le périmètre des agglomérations concernées.

 

Francis Alexis HAMMER

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 08:18

 

La plus grosse opération immobilière locative jamais réalisée en France fait perdre plus de 2 milliards d'euros au secteur du logement social. Les spéculateurs sabrent le champagne... dans l'indifférence générale. Une comédie dramatique en trois actes.


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Acte I : Pendant une cinquantaine d'années, la SCIC (Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts et consignations) a constitué le plus gros bailleur social du pays, contrôlé par l'Etat via la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sous sa houlette, plus de 40 000 logements à loyers modérés ont été financés notamment grâce aux fonds sociaux : livret A, prêts du Crédit foncier, "1% logement" et contributions des collectivités locales (terrains offerts, aménagements payés...). Aujourd'hui, tous ces programmes sont largement amortis.


HLM, version CAC 40


Acte II : Introduite en bourse en 2006, Icade (nouveau nom de la SCIC) change de cap. Elle se déleste désormais de ses logements sociaux pour se concentrer sur l'immobilier commercial et les cliniques privées, secteur bien plus sexy, spéculativement parlant. Dans son bilan de l'année 2006, Icade évaluait son patrimoine locatif de 42.000 logements à 1,4 milliard d'euros. Fin 2008, comme par miracle, son parc de 32.000 logements (10.000 ont été vendus entre-temps) était estimé à... 2,9 milliards d'euros. +120% en trois ans pour des logements vétustes et mal entretenus, un placement en or !


Secret dépense


Acte III : En novembre 2009, dans la plus grande opacité, sans appel d'offres ni publicité (même les membres du Conseil d'administration de la pépite immobilière étaient tenus dans l'ignorance), un protocole d'accord est signé entre Icade et la Société nationale immobilière (SNI), autre filiale de la Caisse des dépôts contrainte de s'endetter jusqu'au cou pour l'occasion. Plus de 24.000 logements sociaux vont ainsi changer de mains, et parfois de statuts. Il s'agit ni plus ni moins que de la plus grosse opération immobilière locative jamais réalisée en France. Le montant de la vente reste secret mais il est évalué entre 1,65 et 1,95 milliard d'euros, selon que vous lisez Le Monde ou Mediapart, les deux seuls canards à s'intéresser à l'affaire.


Icade, c'est plus fort qu'un toit


C'en est donc fait. 42 000 toits financés par les fonds du logement social (et amplement amortis) seront rachetés par... des organismes de logements sociaux. Le deuxième effet Kiss Cool. Aux frais du contribuable. Et au profit des investisseurs privés constituant 37% de l'actionnariat d'Icade. Tout cela sans passer par la case "impôts" ; Icade étant une SIIC, elle en est exonérée si elle redistribue au moins 50% de ses bénéfices aux actionnaires, ce qui ne manquera pas d'arriver.


Pile et farce


D'un côté, Icade a réalisé une opération boursière idéale : rémunérer ses actionnaires au prix fort, faire monter le cours de son action et dégager du cash pour investir dans des activités plus efficaces, le tertiaire en l'occurrence. Au passage, les manitous de l'entreprise se gargarisent de stock-options et Jean-Marie Messier aura touché 3 millions d'euros pour ses bons conseils. Ça fait peur... De l'autre côté, le monde HLM paie une deuxième fois pour des logements initialement bâtis grâce à des fonds publics. L'opération va en outre aspirer les crédits dédiés aux budgets "construction" ou "rénovation". Les locataires attendront... Et s'ils veulent se plaindre, ils n'ont qu'à devenir actionnaires !

Des recours ont été portés devant le tribunal administratif, pour que le parc de logement soit déclaré d'utilité publique en vue de son reconventionnement (qu’il a perdu dans les années 2000). Mais celui-ci a refusé, au motif qu'il s'agirait d'une "atteinte à la propriété privée". Intéressant, pour des logements financés par des fonds publics... En 2000, la gauche a aussi essayé de leur attribuer le label HLM ad vitam aeternam. Mais la disposition, inscrite dans la loi "solidarité et renouvellement urbains" (SRU), a été invalidée par le Conseil constitutionnel.


Un "scandale d'Etat" ? Quel scandale ?


Puisque personne n'en parle... Ou si peu. En réalité, quelques élus se sont plaints, l'année dernière, à l'instar de Philippe Laurent, maire divers droite de Sceaux (*), qui a évoqué un "scandale d'Etat". Mais les rebelles se sont vite assagis, lorsqu'on a appris que la perte des communes liée à la suppression de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) due au reclassement "social" des logements concernés serait compensée presque intégralement par l'Etat.


"S'il y avait un impôt sur la connerie, l'état s'autofinancerait" disait Coluche. Une idée... ?

* Et non Meaux comme indiqué par erreur dans une première version


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Sur Les mots ont un sens par Napakatbra

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 09:26

Jean Viard, sociologue proche du PS, s'inquiète que « l'évolution des revenus [soit] moins rapide que celle des modes de vie ».

 

Quand le sociologue Jean Viard, proche du Parti socialiste, se plonge dans les chi­ffres de notre pouvoir d'achat – qui n'a augmenté que de 1,2% en 2010 contre 1,6% en 2009 –, il pourfend les moyennes qui ne veulent rien dire et les politiques qui laissent faire. Quand il analyse la grande crise que nous traversons, il y voit une situation « ‑quasi révolutionnaire‑ ». Décoiffant.


Rue89 : Les Français ont l'impression que leur pouvoir d'achat baisse, les statisticiens et les économistes disent que non. Qui croire ?

 

Jean Viard : Prenons quelques chiffres sur dix ans. En 1998, les 10‑% les moins riches avaient un niveau de vie de 7100 euros par an et par personne. En 2008, hors inflation, ce chiffre avait augmenté de 13,7‑%, soit 970 ‑euros de plus. Pour les 10‑% les plus riches, ce même indicateur a progressé de 27,3‑% ‑ : ça fait 11 ‑530‑ euros en plus. Et les 0,01‑% les plus riches, eux, ont gagné 360 000 euros de plus  ! Ça donne deux informations‑ : la première, c'est que les écarts se creusent, et la seconde, que la moyenne n'a pas grand sens…

Le problème, c'est que nos modes de consommation nous coûtent de plus en plus cher. Il y a dix ans, on n'avait pas de téléphone portable, pas d'Internet, quasi pas d'abonnements à des bouquets de chaînes de télévision… L'évolution des modes de vie fait qu'on arrive moins bien à vivre au même standard – au sens où ces nouveaux produits sont maintenant entrés dans le standard. Le sentiment des gens n'est donc pas faux.

Jusqu'aux années 1990, l'évolution des revenus était suffisante pour absorber les innovations technologiques. Prenez le lave-linge, le lave-vaisselle, la télé couleur… Quand ça apparaissait, les riches l'achetaient tout de suite, les couches moyennes l'année d'après et les prolos deux ans plus tard. On savait que, quelle que soit sa position dans la société, son revenu permettrait d'avoir l'objet soit tout de suite, soit les années d'après.

Comme l'évolution des revenus est devenue moins rapide que celle des modes de vie, les choix qu'on est amené à faire ont augmenté. Les téléphones portables sont devenus les premiers concurrents du départ en vacances dans le poste de dépenses mobilité-loisirs‑ : on ne peut pas remplacer une soupe par un téléphone portable, mais on peut gratter sur ses vacances. Cela montre que la croissance des salaires est insuffisante pour absorber le progrès technique.


La hausse des grosses dépenses comme le logement réduit le revenu disponible…


Les dépenses contraintes ont ­effectivement augmenté‑ : le logement et l'énergie sous toutes ses formes, chauffage, essence… Mais il y a une autre raison‑ : en dix ans, la structure des prix a changé. Il y a de plus en plus de produits manufacturés qui viennent de loin et qui coûtent de moins en moins cher. Par contre, tout ce qui est quotidien – se nourrir, se loger, se soigner… – est fait avec des gens payés au même salaire que nous.

Prenez vos courses au supermarché‑ : 70‑% des objets que vous achetez en dehors de l'alimentaire viennent d'Asie, et leur prix s'est ­effondré. Les productions européennes coûtent beaucoup plus cher, donc on a l'impression qu'il n'y a plus de logique dans les prix‑ : bientôt, vous allez acheter un ordinateur pour le prix d'un kilo de pommes de terre !

Les réglementations ont aussi un ­effet pervers. On parle de « ‑marché du logement‑ »‑ : si c'était un vrai marché, comme il y a une énorme demande, on construirait n'importe où. Heureusement, on régule ce marché, au nom de l »environnement, de la protection des paysages… On dit que c'est un marché, mais il n'arrête pas de produire de la norme, et la seule chose qui est libre c'est le prix, le loyer. Tout le reste est réglementé, et du coup, le prix n'a plus aucun sens‑ : il n'est plus lié au coût de production du logement, ni à son coût d'entretien et de renouvellement. C'est un faux marché. Soit c'est libre, et alors on construit n'importe où, et les prix vont s'effondrer, soit c'est réglementé, et les loyers devraient l'être aussi.


Le logement est-il assez pris en compte dans l'indice des prix ?


L'indice des prix prend la masse des loyers disponibles et la divise par la masse des Français‑ : que vous soyez propriétaire ou locataire, ça n'a plus du tout le même sens. Si vous avez un gros pouvoir d'achat, vous achetez beaucoup de produits technologiques qui viennent de loin et qui ne coûtent pas cher. En revanche, si vous êtes au RMI et si vous cherchez un pied-à-terre, vous êtes concerné directement par la hausse des prix.


Y a-t-il des catégories qui ont vu leur pouvoir d'achat réellement diminuer ?


La hiérarchie entre les ­différents groupes sociaux se modifie. C'est très visible pour le corps enseignant. Il y a vingt ans, les jeunes enseignants étaient à peu près à deux fois le smic. Aujourd'hui, c'est 1,4‑ fois. Ils ont perdu en pouvoir d'achat et en « respect », car c'est un peu la même chose‑ : quand après six ans d'étude vous arrivez à un smic et demi, c'est un peu qu'on vous manque de respect.

Cela dit, on ne peut pas parler de baisse des revenus en France. On démarre plus bas que ses parents, du coup, on a un sentiment de déclassement. Il faut parler aussi de ceux qui ont des revenus discontinus, tous ces gens qui entrent dans la vie active, les jeunes avec de petits boulots, au RMI et qui ont du mal à trouver un logement, et aussi les femmes ouvrières, une partie des immigrés.

Le sentiment est différent selon que la discontinuité est choisie ou subie. Chez des jeunes qui ont choisi d'être intermittents du spectacle, faire un mois complet peut être perçu comme le jackpot. Ce n'est pas le même sentiment que s'ils étaient au smic. L'essentiel des temps partiels, ce sont des femmes qui ne choisissent pas leur emploi du temps, comme les caissières de supermarché. Vos trente heures par semaine, si vous en faites des bouts à droite, des bouts à gauche, votre vie est foutue en l'air, vous n'avez plus de temps à vous.

A l'inverse, vous avez des groupes hypersécurisés. En vingt ans, la durée moyenne du contrat de travail est passée de huit ans et neuf mois à onze ans et deux mois‑ : une partie de la société se sédentarise dans l'emploi, parce qu'elle a peur du chômage.

En schématisant, on a des hommes blancs entre 28 et 58‑ ans qui sont d'une stabilité béton, et des jeunes, des femmes ouvrières et des gens de couleur qui sont dans l'insécurité. Les deux groupes sont négatifs. L'un a peur du changement, il a l'impression de ne pas progresser et il ne veut pas prendre de risque, par exemple en changeant d'entreprise‑ : il est malheureux-fixe. L'autre a des revenus discontinus, et il est malheureux-instable. Ce sont deux souffrances sociales, en partie contradictoires, mais il faut les prendre toutes les deux en compte.


Cette souffrance est-elle « entendue » ?


Quand Nicolas Sarkozy a été élu, on a entendu qu'on allait gagner plus. La revendication de gagner plus était légitime, ça répondait à une demande réelle‑ : « ‑On me donne des désirs, mais pas les moyens de les satisfaire, donc j'ai un sentiment de frustration. ‑ » Quand on vous dit‑ : « ‑Vous allez gagner plus‑ », vous pensez‑ : « ‑Voilà quelqu'un qui a compris mon problème.‑ » On ne va pas discuter pour savoir si ça s'est fait ou pas, d'autant qu'il y a eu un retournement de conjoncture…

Ce qui m'avait scandalisé à l'époque, c'est le discours sur les heures supplémentaires‑ : c'est un modèle profondément macho. Qui peut faire des heures sup dans un ménage ? En fait, c'est le mec‑ : une femme avec des enfants est souvent à temps partiel. Les dames sont beaucoup plus en souffrance dans cette société que les messieurs. Il y a 1,5‑ million de femmes qui vivent seules avec des enfants‑ : on pourrait les décrire comme des chômeuses du mariage, mais aussi comme demi-chômeuses économiques, parce qu'elles sont souvent à mi-temps.

On est dans une société de discontinuité, et ce n'est pas toujours mal‑ : on change de partenaire amoureux tous les huit ans, 10‑% des Français déménagent chaque année, ce ne sont pas forcément des choix négatifs. C'est comme un énorme système de tri, dont le moteur est plutôt dynamique, comme dans le secteur amoureux. Et il y a tous ceux qui sont sur le côté‑ : les chômeurs, les femmes seules avec enfants. On ne peut pas faire des moyennes avec tout ça.


S'il devait y avoir une politique du pouvoir d'achat…


La première chose à faire serait d'encadrer les hauts revenus‑ : le principal scandale, c'est qu'il y a des gens qui gagnent trop d'argent par rapport aux richesses qu'ils ont produites, et qui, de plus, ne contribuent pas assez au niveau fiscal. Du coup, il y a une rupture de solidarité à l'intérieur de la société. Double problème‑ : il y a de l'argent qui ne tombe pas dans les caisses communes, et les gens les plus modestes ont l'impression de se faire complètement enfumer. Les prix qu'on voit à la télé sont complètement délirants‑ : le type qui, péniblement, nourrit sa famille avec le smic a l'impression d'être un pauvre con. Il est deux fois victime‑ : non seulement il ne gagne pas assez, mais il a l'impression d'être en dehors du coup. C'est un problème d'inégalité morale.

Après, il y a des groupes qui méritent particulièrement d'être ciblés. Je parle beaucoup des femmes seules avec enfants‑ : on a 5‑ millions de Français qui méritent d'être beaucoup plus aidés. Ces enfants seront probablement en partie plus en difficulté que les autres.

Il peut aussi y avoir des politiques sociales moins bâties sur des moyennes. Il faut compléter le revenu de ceux dont les revenus ne permettent pas un standard de vie minimum. Souvent, on le fixe à 1 500 ‑euros. Je ne dis pas qu'il faut monter le smic à 1 500 euros, mais vivre à moins de 1 500 ‑euros ne semble pas possible compte tenu du prix des loyers et autres dépenses contraintes… Le smic ne donne pas le niveau d'argent avec lequel on peut vivre dignement, c'est un salaire payé sur un marché concurrentiel, et à côté, grâce à Dieu, il y a des transferts sociaux.


Comment résumer l'évolution du pouvoir d'achat depuis les Trente Glorieuses ?


Un des grands effets de 68, c'est d'avoir considérablement réduit l'écart des revenus en France, jusqu'aux années 80. En 1968, les 10‑% les plus riches gagnaient 4,8 fois les revenus des 10‑% les plus pauvres. En 1984, l'écart n'était plus que de 3,5. On peut dire que, dans les années 70 et jusqu'en 1984, on a plutôt resserré les écarts de revenus. C'est grâce à l'augmentation du smic et des minimums sociaux obtenus en 1968, en partie sous l'effet des luttes sociales, en partie sous l'effet de la conjoncture. Et en partie aussi sous l'effet de la féminisation‑ : en 1975, c'est le moment où 50‑% des femmes deviennent salariées et où on arrive à des couples à deux revenus. Il ne faut pas sous-estimer le poids des luttes sociales de 1968 et le fait que la droite a tout fait pour que la gauche n'arrive pas aux affaires‑ : le meilleur moyen pour qu'il n'y ait pas d'alternance, c'est encore d'augmenter les salaires…

Dans les années 80, on a bloqué‑ : il n'y a pas eu d'augmentation des écarts, mais il n'y a pas eu de réduction non plus, en raison de la hausse du chômage, mais aussi d'évolutions comme l'allongement des études.

Depuis les années 90, il y a un nouveau phénomène ‑ : les écarts se creusent entre les hauts et les bas revenus, et sont très liés à la mondialisation. Pendant les Trente Glorieuses, l'économie est d'abord nationale : on peut se permettre d'augmenter le smic d'un côté, de donner du crédit aux entreprises de l'autre… C'est comme dans un jeu, une sorte de partie de Monopoly nationale.

A partir des années 70, on entre dans une économie internationalisée. On se demande comment réguler ces espaces. Peut-on augmenter les impôts sur les 0,1‑% les plus riches sans qu'ils aillent faire leurs affaires ailleurs qu'en France ? Ce n'est pas absurde de poser la question. On donne toujours l'exemple de chanteurs un peu ringards, mais ce n'est pas eux qui créent la richesse. Que Johnny Hallyday habite en Suisse ou en France, ça ne change pas l'avenir du pays. Si Total se délocalise ou si les entreprises du CAC 40 changent de crèmerie, en revanche, on a un gros effet‑ : Johnny, à côté, c'est quand même peanuts…

C'est un système complexe, et on n'a pas bien trouvé les codes de la régulation. Le sentiment que les gens avaient d'être protégés s'est affaibli considérablement. Chacun se met dans une nouvelle logique‑ : « ‑Comment je fais pour m'en sortir, moi, tout seul ? ‑ » D'où ce basculement populisto-économique dans lequel on est aujourd'hui.


Le pouvoir d'achat était un thème central de la campagne présidentielle en 2007. Le sera-t-il à nouveau en 2012 ?


De grandes crises surviennent quand les gens sont obligés d'acheter à crédit ce qui leur semble nécessaireparce qu'ils n'ont pas de revenus suffisants pour se les payer. Dans les années 30 apparaissent des voitures, des fours, des frigos, des fers à repasser… Mais les salaires n'augmentent pas, et partout les gens se mettent à acheter à crédit, ce qui crée une situation fi nancière ingérable. La crise financière actuelle, c'est la même chose. Les gens se sont mis à acheter des maisons, mais ils n'avaient pas d'argent pour se les payer. Leur modèle culturel, c'était la maison avec jardin. De nouveau, les salaires n'ont pas augmenté assez vite pour absorber les objets de‑leurs désirs.

Au fond, ce qui compte dans la vie d'un homme, c'est de pouvoir franchir la marche suivante. Le type qui a 1 500 euros, il ne rêve pas de passer à 25 000, il rêve de passer à 1 700 – pour lui, ce serait déjà bien. On est tous pareils‑ : si on achète un Frigidaire, on a envie qu'il soit plus moderne que le précédent, plus écologique… On a besoin que sa vie soit un récit qui avance. On ne se raconte pas sa vie en se disant‑ : « ‑Chic, je me rapproche du cimetière.‑ » Bien sûr, on sait que c'est la réalité.

Dans les années 30, on était dans un modèle national et on n'a pas su assez augmenter les salaires. Du coup, Keynes a pensé le modèle du développement fordiste, qui a bien marché après guerre. Le bloc communiste faisait tellement peur aux grandes entreprises capitalistes qu'elles ont accepté une régulation sociale pour éviter le risque révolutionnaire.

Le problème des sociétés modernes, c'est qu'il n'y a plus de risque révolutionnaire. Je ne trouve pas ça négatif, mais, de 1945 à 1989, la régulation par les rapports de forces Est-Ouest a permis le miracle européen. Ce modèle économique a disparu avec la disparition du risque communiste. On se retrouve dans une nouvelle économie, plus ouverte, sans ce risque, et avec des salaires beaucoup moins étanches au niveau mondial. On est entré dans un monde unifié, c'est à la fois génial et terrifiant. La question devient‑ : « ‑Comment on arrive à augmenter les salaires à un niveau planétaire ? ‑ » Et, là, ça devient très compliqué.


Le « risque révolutionnaire » nous manque ? Faut-il le recréer ?


Avec la montée des extrêmes droites, le terrorisme, chaque société se réinvente d'autres risques. Je ne plaide pas du tout pour le retour du risque révolutionnaire. Je pense que les révolutions sont toujours des échecs. Je ne dis pas qu'elles ne sont pas légitimes, attention. Les gens ont envie de vivre confortablement. Si ça devient impossible, ils attendent un peu puis ils cassent tout‑ : on l'a vu récemment dans ‑le‑ monde arabe.

 Regardez ce qu'il s'est passé avec « Indignez-vous ­ ! »‑ : 1,8 ‑million de personnes achètent ce livre, souvent pour le donner. Ça veut dire que‑ vous avez un mouvement quasi révolutionnaire dans cette société. Je préfère que les ‑gens s'expriment en achetant Hessel [dont il est l'éditeur pour un autre livre, ndlr] plutôt qu'en allant casser, mais pour moi c'est ‑la même chose.


Par F krug et P Riché. Entretien extrait du numéro 9 de Rue89 Le Mensuel, paru en avril 2011.


 

Jean Viard

 

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Sociologue né en 1949, actif en 1968, installé à la campagne en 1975.Thèse avec Edgar Morin, 1979. Cofondateur des Editions de l'Aube, 1986. 2008. Célibataire, six enfants. Jean Viard est directeur de recherche au CNRS au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Diplômé en économie et docteur en sociologie, il est spécialisé notamment dans les vacances, le temps libre, Marseille, ou les 35 heures. Il dirige les éditions de l'Aube.

Pour la campagne des élections municipales de 2008, il s'engage auprès de Jean-Noël Guérini à Marseille et devient l'un de ses conseillers politiques. Ils coécrivent un ouvrage, Marseille, le temps d'un projet. Au cours de la campagne, Jean-Noël Guérini annonce qu'en cas de victoire, il nommerait Jean Viard président de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée[1].

Élu conseiller municipal d'opposition dans le groupe Faire gagner Marseille, il siège à la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole en tant que vice président délégué à l’évaluation des politiques publiques communautaires.

En septembre 2010, il devient chroniqueur régulier pour le Journal du Dimanche.

Bibilographie

  • La campagne inventée (co-M.Marié) Actes Sud, 1978
  • La dérive des Territoires, préfacé par Edgar Morin, Actes Sud, 1981
  • Penser les vacances, Actes Sud, 1984
  • Le tiers espace, ou la nature entre ville et campagne, Méridiens Klincksieck, 1990
  • La France de demain vue par les lycéens d'aujourd'hui, l'aube/datar, 1993
  • La société d'archipel, éditions Charles Léopold Mayer/l'aube, 1994, (ISBN 2-87678-171-9)
  • Marseille une ville impossible, Payot, 1995
  • Le tropisme des rivages, (co-Xavier Gizard), l'aube/Datar, 1995
  • Au bonheur des campagnes, (co-Bertrand Hervieu), l'aube 1996
  • Pourquoi les travailleurs votent Front National, le Seuil, 1997
  • Court traité sur les vacances, les voyages et l'hospitalité des lieux, l'aube, 2000
  • Au bonheur des campagnes, (co-Bertrand Hervieu), l'aube 2000
  • L'archipel paysan, (co-Bertrand Hervieu), l'aube 2000
  • Le sacre du temps libre, la société des 35 heures, préfacé par Élisabeth Guigou, l'aube 2002 et 2004 pour l'édition de poche
  • La république du 5 mai, (co-Pascal Delannoy), l'aube, 2002
  • Être soi mais ensemble - L'individu et la mondialisation (Fragments), l'aube 2002
  • La barbarie routière, (co-Pascal Delannoy), l'aube, 2002
  • Repenser les temps (co- J.P Bailly, A. Jacquard, D. Méda), L'aube 2003
  • Portrait de Vaucluse : L'esprit des lieux (co-Ugo Rollin), l'aube 2003
  • Main basse sur la Provence et la Côte-d'Azur - 2004, le troisième tour ? (co-Daniel van Eeuwen), l'aube 2004
  • Eloge de la mobilité, essai sur le capital temps libre et la valeur travail, l'Aube Mondes en cours 2006 (ISBN 275260257X)
  • Marseille, le temps d'un projet avec Jean-Noël Guérini, l'aube, 2007 (ISBN 2752604351)
  • Et si on se retrouvait? avec Martine Aubry et Stéphane Paoli, l'aube, 2008
  • Ce que régions veulent dire, Réponse au rapport Balladur avec Alain Rousset, éditions de l'Aube, 2009
  • Fragments d'identité française, avec des interventions de Jacques Le Goff et Marc Pottier, éditions de l'Aube, 2010 (ISBN 978-2-8159-0058-4)
  • Lettre aux paysans et aux autres sur un monde durable, éd. l'aube, 2010
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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 11:29

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L'Assemblée nationale a voté, le 13 avril 2011, la suppression de l'amende qui menaçait les médecins refusant d'exercer dans les déserts médicaux, au terme d'un débat très vif sur la liberté d'install ation entre l'opposition, qui dénonce un texte qui détricote la loi "HPST", et le ministre de la Santé Xavier Bertrand.

 

Les députés ont adopté l'article phare de la proposition de loi de Jean-Pierre Fourcade (UMP), qui revient en partie sur le contrat santé-solidarité instauré par la loi "Bachelot" de 2009 (Hôpital, patients, santé et territoires, HPST) pour essayer de lutter contre les disparités de la démographie médicale.

"Les médecins concernés ne peuvent refuser de signer" ce contrat "que moyennant une contribution forfaitaire annuelle égale au plus au plafond mensuel de la Sécurité sociale -soit 2.946 euros en 2011", lit-on en guise de rappel dans le rapport de présentation de cette proposition de loi.

Le ministre de la Santé Xavier Bertrand a soutenu la suppression de cette amende. "Quand on nous dit qu'un peu de régulation et de coercition ne feront de mal à personne, et cela fera du bien aux patients... mais attendez...vous ne faites pas le bonheur des gens malgré eux. Vous ne prévoyez pas un système de santé sans les professionnels de santé", a lancé M. Bertrand à l'opposition et à quelques voix dans la majorité.


"Défaite en rase campagne de la politique"


En réponse à ce débat qui pourrait ressurgir lors de la campagne présidentielle de 2012, le député (PS) Christian Paul a dénoncé une "défaite en rase campagne de la politique".

"Vous êtes en mission pour faire aboutir la conversation du président de la République avec la CSMF", premier syndicat de médecins libéraux, a lancé M. Paul, sur la foi d'un article de presse relatant une rencontre récente entre Nicolas Sarkozy et la Confédération des syndicats médicaux français.

Nombre d'acteurs insistent aussi sur l'insuffisance des mesures incitatives.

L'Assemblée doit continuer dans la soirée l'examen de la proposition de loi Fourcade, déjà adoptée au Sénat.


Pour aller plus loin

 

 

  •  Sur Datablog.owni.fr, voir la cartographie des déserts médicaux fondée sur le nombre de médecins généralistes rapporté au nombre d'habitants.


Sur Courrier des maires.fr


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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 11:14

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Depuis le 1er janvier 2011, le PTZ + remplace le classique PTZ. Celui–ci est désormais ouvert à tous les foyers, sans conditions de ressources. Mais dans la droite ligne de la territorialisation des politiques de l’habitat, son montant varie selon les territoires. Les collectivités locales, autrefois associées via le Pass–foncier, sont aujourd’hui mises de côté dans ce nouveau dispositif. Analyse de Jean-Claude Driant, professeur à l’institut d’urbanisme de Paris.


Le nouveau dispositif de PTZ + entré en vigueur depuis le 1er janvier est-il une vraie nouveauté ?


Jean-Claude Driant : Non, depuis les années 70, les gouvernements successifs ont mis en place des dispositifs pour développer l’accession à la propriété. Avec ce PTZ +, on est plus dans des réajustements techniques. La vraie nouveauté, assez étrange, est la suppression totale des plafonds de ressources. On cherche clairement à compenser la suppression de la déduction des intérêts d’emprunt, dont on a constaté l’inefficacité à favoriser l’accession, et à envoyer un message aux classes moyennes.


Quel peut-être l’impact de la « territorialisation » de ce PTZ + ?


J-C. D. : Il s’agit d’une territorialisation un peu paradoxale, qui part de l’Etat : on part du constat d’une différence des prix selon les territoires, et on fait varier le montant des prêts à taux zéro selon les tensions des marchés locaux. Le but est aussi de limiter l’étalement urbain. Mais cela n’aura pas forcément un effet considérable sur les décisions d’achat des foyers, si ce n’est de limiter la dépense de l’Etat. Si on parle exclusivement en terme de déficit de logement, c’est en Ile-de-France et en PACA que les besoins sont les plus criants. Mais cela ne signifie pas qu’il ne faut pas construire ailleurs, notamment des logements sociaux. En revanche il est justifié de ne pas aider au même niveau la construction sur ces territoires différents, et cela vaut aussi pour l’accession à la propriété. Si on veut aider les ménages franciliens à devenir propriétaires, il faut les aider plus, étant donné les niveaux de prix du marché.

Les collectivités locales se sont-elles investies dans les aides à l’accession à la propriété ?

J-C. D. : Le Pass-foncier, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010, a permis en partie aux collectivités de prendre la main : il leur permettait de structurer une politique locale d’accession à la propriété, intégrée aux PLH. Mais les résultats ont souvent été décevants. J’ai l’impression que les intercommunalités sont plutôt en recul sur ce sujet, essentiellement pour des raisons d’inquiétude financière, et cela même avant la suppression du Pass-foncier. Même en fixant des critères, il est très difficile d’orienter les décisions d’achat. Sur le logement social on a une programmation des constructions, des décisions politiques prises. Il est impossible d’avoir la même logique sur l’accession à la propriété : il est difficile de faire autre chose que d’ouvrir un guichet, d’autant que, bien souvent, les collectivités n’ont pas fait d’étude de marché avant de lancer leur prêt ou leur aide.


Ces aides ne sont-elles pas risquées pour les collectivités ?


J-C. D. : Certaines ont été débordées par leur succès, comme Nantes-métropole, ce qui montre bien qu’il y a une véritable attente par rapport à la propriété. Mais il faut faire attention aux effets d’aubaine, pour des foyers qui auraient de toute façon acheté sans aides publiques, et aux effets inflationnistes sur certains marchés. Ces aides sont très difficiles à calibrer, et elles coûtent cher aux collectivités.
Elles peuvent aussi faire courir un risque politique aux élus, par le lien direct qu’elles entretiennent entre les citoyens et les élus : attention au côté clientéliste et aux éventuelles déceptions des demandeurs. Mais le fait de n’avoir aucun outil sur l’accession prive l’intercommunalité d’un minimum de maitrise sur ce qui se fait sur son territoire.



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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 11:00

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Le gouvernement veut donner un nouveau coup de pouce aux accédants, avec le PTZ +. Les collectivités locales, qui proposaient différents dispositifs pour aider les futurs propriétaires, doivent revoir leur copie.


Le grand leitmotiv de Nicolas Sarkozy, depuis le début de son mandat, est d’atteindre un pourcentage de 70 % de propriétaires, au lieu des 58 % actuels. Mesure phare, la déductibilité des intérêts d’emprunt s’est finalement montrée inefficace pour accélérer l’accession.
Avec la crise économique, la construction immobilière est alors devenue l’un des principaux outils du Plan de relance, soutenue par le doublement du prêt à taux zéro (PTZ) de l’Etat et le dispositif de Pass-foncier rénové, auquel les collectivités locales ont été fortement incitées à contribuer, par le versement d’une subvention.

La construction en hausse

En 2010, 346 000 logements ont été construits, ce qui représente une hausse de 9,5 % par rapport à 2009 (1). Selon la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI), plusieurs facteurs expliquent cette augmentation : la fin annoncée du Pass-foncier, au 31 décembre 2010, ainsi que la baisse des avantages liés au dispositif de défiscalisation « Scellier », qui ont dopé les ventes.
A tel point que, toujours selon la FPI, en 2010, les investisseurs représentent 66 % des acquéreurs dans le secteur du logement neuf… et jusqu’à 80 % dans des zones dynamiques comme Montpellier ou Lille. Si l’objectif de stimuler la construction neuve a bien été atteint, celui visant à développer la primo-accession est plus compliqué à réaliser.

Le PTZ de l’Etat, qui ciblait plutôt les familles avec enfants, a montré ses limites dans le secteur neuf : selon les chiffres du troisième trimestre 2010 de la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), ce dispositif a été utilisé dans les deux tiers des cas pour des acquisitions dans l’ancien, en minorité par des foyers de quatre personnes ou plus. Enfin, d’après la même étude, seuls 19 % des prêts à taux zéro étaient distribués en zone A, où le marché est tendu, contre 43 % en zone C, où il ne l’est pas.

Hors jeu

Depuis le 1er janvier 2011, un seul produit, le PTZ +, remplace le prêt à taux zéro, le Pass-foncier et la déduction des intérêts d’emprunt. Le montant du PTZ +, ouvert sans conditions de ressources, varie cependant selon la localisation du bien : en zone A, il sera majoré et les biens neufs favorisés, tandis qu’en zone C seront privilégiés les biens anciens situés en centre-bourg. D’autres critères entrent en jeu comme la composition de la famille ou la consommation énergétique du logement.

Du côté du secteur bancaire, on craint la complexité du dispositif, et un moindre effet solvabilisateur par rapport, par exemple, au Pass-foncier, soumis à une TVA de 5,5 %.

Quant aux collectivités locales et aux intercommunalités, auparavant associées aux dispositifs d’accession, elles sont laissées complètement hors jeu. Certaines d’entre elles ont créé leurs propres dispositifs dès le milieu des années 2000, comme Nantes métropole qui avait lancé, dès 2006, « son » prêt à taux zéro, stoppé en 2009 car victime de son succès.
Selon une étude publiée en janvier 2011 par l’Assemblée des communautés de France sur « les politiques de l’habitat des communautés urbaines et d’agglomération depuis la loi libertés et responsabilités locales », environ deux tiers des communautés ont, sur la période 2004-2009, mis en place ou envisagé une aide à l’acquisition du logement neuf, soit directement accordée aux acquéreurs, comme à la communauté urbaine de Dunkerque, soit par le Pass-foncier, soit par un PTZ local, comme à Tours.

Degré de maîtrise

Aujourd’hui, une majorité d’entre elles ont stoppé leur aide, certaines pour des raisons financières. Difficile, en effet, de sortir de la logique de guichet sur ces programmes et d’avoir une quelconque maîtrise sur le public visé et les localisations.
Par ailleurs, la suppression du Pass-foncier depuis le 1er janvier met dans l’embarras un certain nombre de communautés, qui avaient assis leur politique sur ce dispositif particulièrement intéressant. De plus, les critères posés localement permettaient aux collectivités de conserver un degré de maîtrise sur l’aménagement du territoire.
Ainsi, à Rennes, en 2010, l’augmentation de la population a été, pour la première fois, plus forte sur l’aire de la métropole qu’à l’extérieur : « L’accession sociale nous a permis de retenir sur notre territoire des ménages modestes avec enfants qui, auparavant, ne pouvaient acheter qu’au-delà de l’aire urbaine », explique Guy Potin, vice-président de Rennes métropole, chargé de l’habitat (lire son avis ci-dessus).
« Le PTZ + risque d’être moins efficace pour les ménages modestes, il est beaucoup moins lisible », relève par ailleurs Frédéric Jullian, directeur du développement urbain de Tour(s)plus. La communauté d’agglomération, qui a mis en place un PTZ en 2009, s’apprête malgré tout à le renouveler avec l’appui des banques, afin de compléter le PTZ +.

Le prêt à taux zéro a raté la cible des primo-accédants familiaux situés en zone tendue. Le PTZ + va-t-il, lui, réorienter l’accession ? En attendant les premiers chiffres, les collectivités et les intercommunalités cherchent de nouvelles solutions pour aider les ménages. Pour le moment, le prêt social location-accession, un dispositif complexe laissé de côté ces dernières années au bénéfice du Pass-foncier, mais qui donne droit à une TVA à 5,5 %, semble le seul moyen d’aider les ménages aux revenus moyens à concrétiser leur projet.

Les intercos actrices de premier plan

L’enquête de janvier 2011 sur « les politiques de l’habitat des communautés urbaines et d’agglomération depuis la loi libertés et responsabilités locales » (2) du 13 août 2004 montre l’implication croissante de celles-ci dans ce secteur.
39 % des communautés urbaines (CU) et d’agglomération sont délégataires des aides à la pierre. Les CU sont particulièrement impliquées (14 signataires sur 16), les communautés situées en secteur tendu plus en retrait.

Parmi les priorités : le parc social, suivi de la réhabilitation du parc privé et de la politique foncière. Entre 2004 et 2009, le soutien à l’accession est devenu un domaine d’intervention à part entière. Mais, souvent, des critères plus sélectifs que ceux de l’Etat ont été posés, une manière de maîtriser les budgets dévolus à cette action. Les aides octroyées pour l’achat d’un logement neuf pèsent relativement peu, pour l’heure, dans les finances locales.


Note 01:

Sur les mises en chantier, selon le ministère de l’Ecologie. - Retourner au texte


Note 02:

Menée par l’Agence nationale pour l’information sur le logement et l’Assemblée des communautés de France. - Retourner au texte

 

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 10:44

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Quatre ans après le vote de loi du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, l’effectivité de ce droit est encore en construction.


Certes, dans trois départements sur quatre, les autorités préfectorales parviennent à reloger les ménages reconnus prioritaires par les commissions de médiation. C’est le cas dans les départements où « peu de recours sont enregistrés car la tension sur le logement est faible, où les outils préexistant au DALO comme le plan départemental d’accès au logement des personnes défavorisées (PDALPD) permettent de solutionner les problèmes, ou encore dans des territoires où le DALO fait levier et permet de loger plus vite des ménages », résume Bernard Lacharme, le secrétaire général du comité de suivi du DALO.

Mais en Ile-de-France ou Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l’Etat est « hors la loi » comme le sous-tend le 4ème rapport du comité de suivi remis en décembre 2010. Au 30 juin 2010, 64% des ménages prioritaires étaient encore en attente de relogement, soit 14 000 ménages, dont 10 000 à Paris.

Mauvaise gouvernance des politiques publiques

La première raison à ce blocage, structurelle d’abord, c’est l’absence de logements disponibles dans les zones tendues, en particulier en Ile-de-France : il manque plus de 90 000 logements pour remplir les obligations liées au DALO et que les programmations actuelles ne pourront en aucun cas combler.
Mais pour le comité de suivi du DALO, la mauvaise gouvernance des politiques publiques explique aussi une part importante du retard dans le processus de relogement. Ainsi, le recours au parc privé est-il notoirement insuffisant : 2,5% des relogements au niveau national et 0,6% en Ile-de-France. « Il faudrait créer un opérateur régional dédié à la production de logements sociaux pour capter des logements privés diffus », reprend Bernard Lacharme.

Autre potentiel de logements : l’optimisation des réservations d’Action Logement. En effet, la loi MOLLE impose aux collecteurs du 1% Logement de mettre à disposition des préfets, un quart de leur potentiel d’attribution. En Ile-de-France, cela représente 450 logements par mois, mais moins de 220 logements sont réellement attribués à des ménages DALO.
La procédure est en cours de simplification afin d’augmenter les relogements. Un protocole similaire a été signé en septembre dans les Bouches-du-Rhône portant sur 57 logements par mois.

Sur-sollicitation des ZUS

Mais d’autres obstacles viennent freiner le relogement de ces ménages. Parmi eux : la localisation des logements disponibles. Celle-ci impacte non seulement l’attitude des bailleurs et des élus, mais celle des ménages requérants. Selon la loi, les logements attribués aux ménages désignés prioritaires par les commissions de médiation sont pris sur le contingent préfectoral dont une grande partie se trouve dans les zones urbaines sensibles (ZUS). D’où l’inquiétude des élus de voir l’arrivée massive de ménages très précarisés dans des quartiers déjà en difficulté.

Pourtant, « les ménages DALO ressemblent pour beaucoup aux autres demandeurs de logements sociaux et n’ont pas forcément plus de difficultés sociales. Mais ce sont des personnes en situation de grande précarité qu’on loge dans des quartiers déjà fragiles », reconnaît-on à Evry (Essonne).

Dans ce contexte, au nom de la mixité sociale, certains élus et bailleurs sociaux refusent les ménages DALO malgré l’injonction préfectorale. « Les villes des banlieues ne peuvent recevoir tous les ménages les plus en difficulté d’une agglomération alors que, déjà, leurs quartiers sont en grande difficulté. Il faut avoir le courage de parler de peuplement et de définir les publics prioritaires pour tel ou tel quartiers », souligne Annie Guillemot, maire de Bron (Rhône).
Pour prendre en compte les craintes des bailleurs et des élus, un accord entre les bailleurs sociaux d’Ile-de-France et l’Etat a établi que les ménages DALO ne doivent pas être relogés dans les zones ANRU.

Refus des ménages

Le troisième obstacle au relogement des ménages DALO s’explique par les refus des ménages eux-mêmes du logement qui leur a été attribué. Cela concerne 16% des offres de relogement.
Loin d’être anecdotique, le phénomène agace les acteurs de la filière logement – en particulier les bailleurs sociaux. « Il y a une divergence dans les représentations de ce que l’on considère comme un logement adapté », souligne-t-on à l’Observatoire du logement et de l’hébergement en Isère, qui a publié une étude sur le sujet.

Mais, pour un ménage, refuser un logement, c’est prendre le risque de ne plus être considéré prioritaire. Le décret du 15 février 2011 intervient dans ce contexte et devrait permettre aux services préfectoraux de faire une offre moins administrative et mieux qualifiée.
Le texte précise en effet les paramètres à prendre en considération pour formuler au ménage une offre de logement : taille et composition du foyer, état de santé, aptitudes physiques ou handicaps des personnes qui vivront au foyer, localisation des lieux de travail ou d’activité, disponibilité des moyens de transport, proximité des équipements et services nécessaires à ces personnes (notamment établissements de soin) sont désormais à prendre en compte.

Dossiers irrecevables

Enfin, les relogements effectifs sont peu nombreux compte tenu aussi du nombre de dossiers rejetés, certaines commissions de médiation étant de plus en plus restrictives. Si, officiellement, ces instances ne doivent pas prendre en compte le contexte local pour juger du caractère urgent et prioritaire de la demande, les membres de la commission ne sont pas étanches aux réalités : en Seine-Saint-Denis, près de 30% des dossiers sont déclarés irrecevables.
« Nous observons une nette augmentation des refus. Nous pressentons que, face à l’absence de logement disponible, les commissions anticipent l’impossibilité du relogement et ajoutent des critères de sélection à ceux prévus par le législateur », souligne Bernard Lacharme.

Au-delà de la situation individuelle des ménages dont la situation n’est pas reconnue prioritaire, les décisions des commissions de médiation ont des impacts en termes de politiques publiques : comme le souligne le rapport 2011 de la Fondation Abbé Pierre, les recours devant les commissions de médiation DALO constituent « un révélateur des situations de mal logement non prise en charge par la collectivité publique ». Il ne faudrait pas qu’on en vienne à dire que le mal logement diminue parce que les chiffres du DALO diminuent….

DALO : les condamnations de l’Etat

Le droit au logement opposable a institué un nouveau type de recours contre l’Etat. Les ménages qui n’ont pas reçu d’offre de logement ou d’hébergement peuvent déposer un recours devant le tribunal administratif pour non mise en œuvre des décisions favorables quand leur relogement est considéré comme « prioritaire et urgent ».
Cela concerne les ménages non logés ou mal logés.

Entre le 1er septembre 2009 et le 31 août 2010, 5 226 recours ont été déposés. Selon le rapport du comité de suivi, « sur 4 844 jugements rendus sur la période, 77,6 % ont été favorables au demandeur et 16,7 % ont été rejetés. A fin septembre 2010, 1562 ordonnances de liquidations d’astreinte avaient été prononcées par les tribunaux administratifs pour un montant total de 6 794 645 euros. Ceci représente une moyenne de 4 350 euros par ordonnance. »

1er janvier 2012 : extension des possibilités de recours

A partir du 1er janvier 2012, non seulement les ménages en situation de non logement ou mal logement, mais aussi les ménages ayant reçu une décision favorable de la commission de médiation en raison d’un délai anormalement long pourront également déposer un recours devant le tribunal administratif.
Mais pour l’instant ce délai « anormalement long » est très variable selon les départements : il varie entre 6 mois et plus de 10 ans à Paris. L’impact de ce nouveau recours est encore incertain à cette heure.

Par ailleurs, un autre type de recours émerge : il concerne le recours en responsabilité. Le Tribunal administratif de Paris a rendu deux décisions, le 17 décembre 2010, retenant pour la première fois la responsabilité de l’Etat pour méconnaissance de son obligation de relogement.
La juridiction a estimé que l’administration n’avait pas pris l’ensemble des mesures et mis en œuvre les moyens nécessaires pour satisfaire à l’obligation de relogement de l’une des familles. Pour le deuxième ménage, le tribunal a retenu le défaut d’exécution du jugement prononçant l’injonction de relogement. Toutefois, les sommes mises à la charge de l’Etat restent très limitées, celles-ci s’élevant à 2.000 euros pour les deux familles.

 

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 10:37

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Aborder la question du logement et de la construction par les statistiques constitue un vrai défi. Outre que le sujet est extrêmement complexe, faisant intervenir de multiples paramètres, les observateurs sont confrontés à des défaillances importantes de l'outil statistique, qu'il s'agisse de la fiabilité des données, ou des conditions d'accès et de transparence.


Si notre outil permet de dégager des grandes tendances territoire par territoire quant à la capacité ou non de répondre aux besoins en logement de la population, certains résultats doivent cependant être pris avec prudence, ou relativisés par rapport à d’autres données. Certaines sources statistiques sont en effet plus ou moins fiables, et de nombreux biais peuvent affecter les résultats.

Les maux de l’appareil statistiques

Car l’appareil statistique sur le logement et la construction, alors même que ces questions sont aujourd’hui centrales dans la société, est défaillant à bien des égards. Ces défaillances ont d’ailleurs fait l’objet d’un rapport du Conseil national de l’information statistique (CNIS) en mars 2010. Le rapport note ainsi l’insuffisance des données locales, qui conduit les « spécialistes de l’appareil statistique public dans le domaine du logement à déserter certains champs » d’observation. Un comble !

Les auteurs du rapport notent également que les informations existantes sont insuffisamment exploitées. « Les données les plus fiables et les sources les plus exhaustives sont souvent entre les mains de l’Administration », qui invoque le secret statistique. « Mais le secret statistique a parfois bon dos et les obstacles culturels, ceux qui tiennent à la logique administrative sont aussi à prendre en compte », assène le groupe de travail.

Autre problème relevé : des domaines mal traités. C’est le cas, selon le groupe de travail, des aides à l’investissement locatif (Scellier, Robien…), qui fait pourtant l’objet de fréquentes polémiques, ou d’ajustements réglementaires. Mais « les seuls chiffres disponibles pour évaluer leur impact, et même leur diffusion, sont ceux que les promoteurs veulent bien communiquer (…), ce qu’ils sont les premiers à déplorer ».

« D’une façon plus générale, comment juger de l’effet des politiques sur la tension des marchés et la mixité sociale, comment mesurer des potentialités des territoires et orienter les choix sans un suivi des prix du fonciers ? », interrogent les auteurs.

Le rapport du CNIS se penche également sur la transparence et l’accès aux données, lui aussi défaillant. « Le souci de la transparence de l’information n’est pas une préoccupation de premier plan en France, où l’accès à l’information passe traditionnellement par les clercs. Les administrations, mais aussi l’appareil statistique public, tendent à considérer d’une façon patrimoniale les données dont ils disposent », analyse-t-il.

Les « premières victimes » en sont les collectivités locales « qui sont de plus en plus des acteurs à part entière de la politique du logement [et qui] se voient parfois refuser des informations dont dispose l’administration centrale, pour des raisons que l’on peine à justifier », déplorent les auteurs, qui n’évoquent pas les administrés, les citoyens, ou la presse qui peinent encore davantage à accéder à l’information.

Autant de raisons qui font que l’outil que nous proposons doit être utilisé à l’aune de tous ces éléments.

Comment sont construites les données ?

Ainsi, le fichier SITADEL (1), d’où sont extraites les données sur les logements commencés, est composé de données relatives aux permis de construire enregistrées par les services instructeurs des permis de construire, c’est-à-dire les communes, ou les EPCI, ou les Directions départementales des territoires (DDT). Ces données sont ensuite transmises aux services statistiques régionaux et centraux du Ministère de l’Ecologie.

« La remontée d’information prend parfois un certain temps, car elle dépend grandement des pétitionnaires et des moyens humains dégagés localement. Les informations sont donc plus ou moins fiables, et surtout « réactives » selon les territoires, et selon les périodes », mettent en garde Franck Gnonlonfoun et Pauline Grunenwald, du cabinet de consultants Guy Taïeb Conseil.

Sur certaines zones, on a parfois pu noter des décalages de chiffres considérables. En moyenne, les résultats obtenus peuvent présenter une marge d’erreurs de plus ou moins 15%, le temps de l’intégration a posteriori de toutes les informations.

Le chiffre retenu dans notre application, celui des logements commencés, est plus fiable que celui des logements autorisés, car il arrive que des maîtres d’ouvrage abandonnent leur projet au moment de lancer les opérations. Ces abandons peuvent, entre autres causes, être provoqués par des recours contentieux déposés contre les permis de construire. Ces recours sont de plus en plus fréquents quand il s’agit de projets de construction de logements sociaux.

Depuis avril 2009, les permis de construire sont enregistrés dans un nouveau logiciel, SIT@DEL 2, qui permet de constituer des bases de données plus complètes.

La fiabilité du fichier EPLS

Sur la production de logements sociaux, le fichier EPLS (Enquête annuelle sur le parc locatif social) du Ministère de l’Ecologie que nous exploitons est sans doute la meilleure des sources disponibles. Il est constitué à partir d’une enquête annuelle réalisée auprès des bailleurs sociaux.

« Dans ce fichier, pour mesurer la production, il faut privilégier les nouvelles mises en location. On notera qu’elles ne correspondent pas toujours à de la production neuve : selon les années, 15 à 30 % de ces nouvelles mises en location résultent d’acquisitions par les bailleurs sociaux de logements existants, comme c’est fréquemment le cas à Paris où le foncier est rare. Il y a cependant un décalage entre les chiffres du fichier EPLS et ceux de la loi SRU, car le fichier EPLS ne comptabilise pas certaines résidences sociales, ni les logements locatifs privés ayant fait l’objet d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat, qui sont intégrés dans le décompte des logements sociaux au titre de la loi SRU. Par ailleurs EPLS décompte un certain nombre de logements non conventionnés et donc non pris en compte dans la loi SRU», explique le cabinet Guy Taieb Conseil.

Le fichier SRU, réalisé par les DDT tous les ans, à la suite d’un processus contradictoire d’échange d’informations avec les communes, est lui aussi fiable : il comptabilise l’ensemble des logements sociaux conventionnés, qu’ils soient publics ou privés, y compris les places en centres d’hébergement, résidences sociales…

Là encore, il faut faire attention à l’interprétation des résultats, comme l’explique Béatrice Herbert, chargée de mission à l’Agence nationale d’information sur le logement : « il faut voir d’où l’on part, et quelles ont été les politiques menées. Ce qui compte c’est la progression. Une ville comme Nice accusait par exemple un tel retard que les résultats ne pourront être visibles tout de suite. » D’ailleurs les pénalités infligées au titre de la loi SRU par les préfets tiennent compte des efforts mis en œuvre par les collectivités pour rattraper leur retard.

Enfin le nombre de résidences secondaires peut être un facteur de tension dans les zones qui sont à la fois des zones touristiques et des zones de vie à l’année. « Elles ont un impact là où il y a une concurrence entre les résidences principales et les résidences secondaires. Dans certaine partie du Massif Central par exemple, même si le nombre de résidences secondaires est important, cela pèse peu sur la tension des marchés » explique Pauline Grunenwald.

D’autres biais méthodologiques peuvent être issus de comparaisons inadéquates, comme la mise en parallèle des chiffres sur des communes de taille différente par exemple. Enfin la faible croissance de population sur un territoire ne signifie pas absence de tension : la tension peut être telle que les habitants sont amenés à s’installer en périphérie de cette zone, comme cela a été le cas dans la plupart des grandes agglomérations au cours des années 2000. L’échelle de l’aire urbaine peut alors être plus pertinente, à condition de vérifier qu’elle n’est pas aussi dépassée.



Notre application utilise les données de Sit@del2, "Logements commencés par type et par commune - 1999-2008 - Retourner au texte

 

Sur La Gazette.fr

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 10:26

logements-hlm

 

Les chiffres de la construction de logements font l'objet de fréquentes polémiques. D'autant plus qu'ils sont peu accessibles aux citoyens et que la presse ne peut, la plupart du temps, que commenter des chiffres élaborés par divers organismes, plus ou moins fiables. Nous avons souhaité mettre à disposition de nos lecteurs un outil qui, utilisant les chiffres officiels disponibles, permette de connaître, territoire par territoire, la réalité de la construction de logements. Cette application permet également de comparer un territoire avec un autre territoire de même niveau, ou avec le territoire de niveau supérieur (EPCI, zone d'emploi, départements, régions).


 Image de dossier Crise du logement

Bien utiliser l’application

Pour concevoir cet outil, nous avons juxtaposé plusieurs données publiques officielles, appliquées à l’ensemble des communes de France, aux établissements publics de coopérations intercommunales, aux zones d’emploi, aux départements, et aux régions.

L’application présente, sur son écran d’accueil, des données agrégées sur l’ensemble du territoire, et un système de navigation rapide. Compte tenu des débats récurrents sur le logement, nous avons agrégés les données pour certains territoires sensibles : ceux qui relèvent des « zonages Scellier », ce système de défiscalisation ayant entraîné une certaine spéculation, et les villes soumises à la loi SRU.

Chaque collectivité locale ou zone d’emploi présente 6 paramètres, qui peuvent être comparés, une fois le résultat pour un territoire affiché, avec la zone d’emploi dont il dépend, ou tout autre territoire dont on saisit le nom sur le panneau de droite. Chaque chiffre est cliquable. S’affiche alors, en bas de l’écran, la courbe du paramètre année par année.

Comprendre les 6 paramètres

  1. Le « zonage Scellier ». Ce zonage est réparti en 5 zones (A, Abis, B1, B2 et C), A représentant les zones les plus tendues sur le territoire, et C représentant les zones les moins tendues du territoire. En théorie, les territoires en zone A devraient être ceux qui enregistrent le plus de constructions, et ceux en zone C, ceux qui en ont « le moins besoin ».
  2. Le total des logements commencés (1) entre 2000 et 2007 (nous n’avons pas traité l’année 2008 pour harmoniser les dates des autres données).
  3. Le nombre de m2/pour 1000 habitant ajoutés sur le territoire considéré entre 1999 et 2007. Il s’agit de la somme des m2 ajoutés chaque année, divisée par le nombre d’habitants du territoire, et multiplié par 1000. Ce paramètre donne un ratio qui ne vaut que par comparaison avec un territoire similaire.
    En revanche, la somme des m2 ajoutés chaque année, divisée par le nombre de logements construits donne une indication sur la taille des logements, et donc l’adéquation de ces logements avec les besoins de la population.
  4. La différence du nombre de ménages enregistrée par l’Insee entre 1999 et 2007. Un ménage, au sens du recensement de la population, désigne « l’ensemble des personnes qui partagent la même résidence principale, sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté. Un ménage peut être constitué d’une seule personne. Il y a égalité entre le nombre de ménages et le nombre de résidences principales ».
    En revanche, l’Insee considère « les personnes vivant dans des habitations mobiles, les mariniers, les sans-abris, et les personnes vivant en communauté (foyers de travailleurs, maisons de retraite, résidences universitaires, maisons de détention…) comme vivant hors ménage ».
    La notion de ménage implique que la population d’une commune puisse baisser, alors que le nombre de ménages augmente, et donc le besoin en logement. C’est le cas lorsqu’un jeune quitte le domicile familial pour occuper un logement seul, quand un couple se sépare, ou que l’un des deux membres d’un couple décède.
  5. La différence du nombre de résidences secondaires entre 1999 et 2007. Selon la définition de l’Insee, « une résidence secondaire est un logement utilisé pour les week-ends, les loisirs ou les vacances. Les logements meublés loués (ou à louer) pour des séjours touristiques sont également classés en résidences secondaires. La distinction entre logements occasionnels et résidences secondaires est parfois difficile à établir, c’est pourquoi, les deux catégories sont souvent regroupées ».
    Le nombre de résidences secondaires peut jouer un rôle non négligeable sur les tensions vécues sur un territoire. C’est le cas des zones urbaines en bordure du littoral par exemple, où le nombre de résidences secondaires peut ajouter à la pression sur les prix du logement.
  6. Le pourcentage de logements sociaux, territoire par territoire en 2007. En cliquant sur le chiffre du pourcentage, on obtient la courbe d’évolution du nombre de logements sociaux construits chaque année.

Ll’application a été conçue avec les équipes de data journalistes, développeurs et graphistes d’owni.fr / 22mars

Des classements à analyser

Nous avons extrait les données des logements construits pour différentes strates de collectivités. Nous avons également extrait le ratio « m2 ajoutés / nombre de logements construits ». Le classement obtenu ne qualifie pas l’effort d’un territoire en matière de logement. C’est pourquoi nous n’indiquons pas les données pour les zones d’emploi qui construisent le moins car il s’agit exclusivement de zones d’emploi peu peuplées.

Nous analyserons ces résultats dans le temps, mais vous pouvez également contribuer à l’analyse des données en postant des commentaires.

Les 10 premières zones d’emploi en logements construits (métropole)

  1. Toulouse
  2. Lyon
  3. Nantes
  4. Nanterre
  5. Rennes
  6. Bordeaux-zone-centrale
  7. Montpellier
  8. Marseille-Aubagne
  9. Perpignan
  10. Saint-Denis 

Les 5 premiers départements en logements construits (métropole)

  1. Gironde
  2. Haute-Garonne
  3. Rhône
  4. Loire-Atlantique
  5. Hérault 

Les 5 derniers départements en logements construits (métropole)

  1. Creuse
  2. Lozère
  3. Haute-Marne
  4. Nièvre
  5. Territoire de Belfort

Les 5 premières régions en logements construits (métropole)

  1. Rhône-Alpes
  2. Île-de-France
  3. Provence-Alpes-Côte d’Azur
  4. Bretagne
  5. Aquitaine

Les 5 dernières régions en logements construits (métropole)

  1. Corse
  2. Limousin
  3. Champagne-Ardenne
  4. Franche-Comté
  5. Picardie

Les zones d’emplois ayant le plus fort rapport surface / logement construit (1999-2008)

  1. Sarreguemines : 183.4 m2
  2. Wissembourg : 176.2 m2
  3. Altkirch : 161.3 m2
  4. Saverne-Sarre-Union : 157.9511 m2
  5. Gray : 155.1 m2
  6. Lunéville : 150.5 m2
  7. Sarrebourg : 148.4 m2
  8. Toul : 148 m2
  9. Le Puy-en-Velay : 147.9 m2
  10. Commercy : 147.5 m2

Les zones d’emplois ayant le plus faible rapport surface / logement construit (1999-2008)

  1. Paris : 68.6 m2
  2. Maurienne : 76.4 m2
  3. Vitry-sur-Seine : 76.8 m2
  4. Kourou : 78.9 m2
  5. Briançon : 80.6 m2
  6. Zone d’emploi Nord : 80.9 m2
  7. Menton : 80.97 m2
  8. Saint-Laurent : 82 m2
  9. Montreuil : 88.2 m2
  10. Saint-Denis : 88.8 m2

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