Depuis le 13 mai 1958 et l'instauration de la 5ème République, en dépit de 27 élections passées, à aucun moment le fauteuil de la présidence du Sénat n'a échappé à un membre de la droite ou du centre.
A la veille des élections du 25 septembre 22 sièges séparent au Sénat les coalitions de gauche et de droite. Un écart qui de prime abord n'apparaît pas insurmontable, mais qui dans la réalité se complique sérieusement au vu du nombre de sièges mis en jeu (170 sur 343 actuellement) et de la complexité de certaines situations en jeu comme celle des multiples relations unissant les 29 élus centristes sortants.
Mais le principal obstacle ne réside pas tant dans l’étendue de l’écart qui sépare gauche et droite, que dans le mode de scrutin privilégiant les petites collectivités historiquement favorables à la droite. La gauche peut bien contrôler 21 régions métropolitaines sur 22, 61 départements sur 100 et une majorité de communes de plus de 3500 habitants, la sur-représentation d’élus de petites communes fait que l’objectif de parvenir à une majorité d’élus de gauche ne paraît pas acquis, loin s’en faut.
A y regarder de plus près, dans les circonscriptions où persiste le scrutin majoritaire à deux tours, les voix des « grands électeurs » se gagnent aussi à la faveur de relations nouées par delà les appartenances politiques, par delà aussi d'étiquettes pas toujours visibles et dont certains jouent et surjouent au profit de leur implantation et des dossiers qu’ils défendent.
A ce jeu des alliances souterraines la gauche parait mieux assurée de contrôler ses troupes, même si ici et là l’un ou l’autre franc-tireur en vient à perturber ce bel ordonnancement. Comme dans l’Essonne avec l’ancien président du conseil général face à la liste écologiste de Vincent Placé, ou bien encore cette bataille de chiffonniers entre deux communistes dans le département du Nord.
Car c’est à droite que la situation se complique, à commencer par la cacophonie qui régnait en Ile de France à la veille du 16 septembre.
A Paris, Pierre Charon, ancien conseiller de Nicolas SARKOZY, fait front avec quelques maires parisiens dissidents face à une liste officielle emmenée par Chantal JOUHANNO, ancienne championne de karaté posture et présentement ministre des Sports.
Dans le Val-d’Oise, comprenne qui pourra le soutien de l’UMP à 2 candidats, celui accordé à Hugues PORTELLI, sénateur et maire d’Ermont et à Francis DELATTRE maire de Franconville.
« J'irai jusqu'au bout », a déclaré à l'AFP Jacques Gautier, sénateur sortant des Hauts-de-Seine, à la tête d'une liste mal venue en haut lieu. Nul doute que dans ce département Roger Karoutchi marche sur des œufs, lorsqu’on sait que pas moins de 3 listes à droite se font concurrence.
En Seine-et-Marne Yves Yégo, député maire de Montereau-Fault-Yonne défie l’UMP et son poulain, le sénateur Jean- Jacques HYEST. Sur ces terres que labourent également Jean-François COPPE et Christian JACOB, on perçoit sans peine que la lutte risque d’être chaude entre le candidat officiel et ce franc-tireur passé au Parti radical de Jean-Louis BORLOO.
Mais que valent toutes ces bisbilles entre gens de droite face au labyrinthe des étiquettes centristes qui s’affichent au Sénat ?
Officiellement le groupe centriste (UC) compte 29 membres, dans la réalité c’est le pot au noir. AC, UC, ARES, RDSE, PRV, NC, RS, MODEM, etc, sont autant d’acronymes qui ont de quoi faire perdre la tête.
Ainsi, celui de l’Alliance centriste (AC) présidée par Jean Arthuis, où l'on ne retrouve aucun de ses membres au Nouveau centre (NC) le parti d’Hervé MORIN, pas plus d'ailleurs qu’au MODEM de François BAYROU.
L’autre composante de la mouvance centriste se revendique du Nouveau centre (NC). Mais là aussi l'esprit volage tient lieu de cité si l'on considère que l’un de ses membres, la sénatrice du Nord Valérie LETARD, est aussi un soutien actif de Jean Louis BORLOO au sein de l’ARES, une alliance créée en juin dernier avec le Parti radical, la Convention démocrate d'Hervé Charette, le Nouveau Centre et la Gauche moderne.
Enfin le MODEM est toujours là qui peut compter sur ses 7 sénateurs, alors que l’Union centriste (UC) affiche en son sein un sénateur Mahorais qui doit se demander où est la ligne politique à suivre, perdu qu'il est face à tant d’écuries aux parcours indéchiffrables.
Pour qui aime jouer au loto, bien malin est aujourd’hui celui en capacité de tirer les multiples fils qui mènent à la pelote centriste. Aussi c’est avec une certaine curiosité que l’on tentera de comprendre au soir du 25 septembre prochain ce qu’il en sera de la composition de la nouvelle chambre avec tous ces élus venant de ces groupes charnières que sont l’ARES, l'Alliance centriste (AC), le Mouvement démocratique mahorais (MDM) et tous ces apparentements circonstanciés qui forment la nébuleuse centriste
Certain parient sur une victoire de la gauche.
En attendant le résultat des prochaines présidentielles, c'est l’option la plus facile à considérer, celle d’un Sénat s’opposant à une politique gouvernementale de droite, utilisant à bon escient le biais des amendements pour rendre présentable une certaine cohabitation entre les deux chambres.
Après tout, et si l'on se réfère à l'histoire des institutions de la 5ème République, n’est ce pas ce que la droite a fait durant les 22 années où elle siégeait dans l’opposition au Palais du Luxembourg ? Et si on se réfère aux récents propos de Jean-Pierre RAFFARIN, les plus grandes craintes ne viennent--elles pas de l’UMP ? un parti peu enclin à se retrouver sans majorité aucune, une situation que la gauche connaît pourtant bien, pour devoir expérimenter à ses dépends l’adage qui veut que lorsque la droite est au pouvoir, elle rafle tout, alors que cantonnée dans l’opposition elle tient néanmoins fermement le sénat.
A qui échoira la présidence du Sénat ?
« Une majorité sénatoriale ne fait pas forcément une majorité présidentielle ». Cette remarque perfide du constitutionnaliste Guy Carcassonne a aussi son avers.En cas de victoire large de la gauche dimanche prochain, le problème du perchoir au Palais du Luxembourg sera facilement résolu par l’élection d’un des leurs, qu’on imagine être Jean-Pierre Bel, l’actuel président du groupe socialiste.
Mais dans cette élection, on peut aussi bien imaginer une victoire de la gauche comme de la droite à quelques voix près, une élection qui sera suivie par une autre toute aussi importante, celle le 1er octobre du président du Sénat.
Doù cette autre échéance à intervalle rapproché mais qui laissera sufisamment de temps au temps pour que les multiples tractations de couloir et déjeuners en ville puissent produire leur oeuvre, une oeuvre qui sous la 4ème République faisait et défaisait les majorités.
Le pot au noir de la pré-campagne présidentielles va-t-il influer sur la posture de certains nouveaux des sénateurs ?
Chacun connait les rondeurs affables du président Gérard LARCHER, ses discours enveloppants et son empressement à courtiser l’un ou l’autre socialiste venant de l’outre-mer, là où pas moins de 14 sièges sont renouvelables.
Mais, au delà d'un président sortant qui se bat pour sa réelection, i l y a le cumul des des mandats qui reste tenace dans l'esprit de nombre de grands électeurs mais aussi de futurs élus.
Alors, comment iront voter ces grands électeurs multicartes ? quelle posture adopteront certains nouveaux élus, sachant que derrière les présidentielles, se profilent les législatives, des élections dont la tenue vaudra également par ce qui aura été convenu à l'ombre de la chambre haute qu'est le Sénat ?
Il y a fort à parier que certaines ambitions déçues ou autres rancunes tenaces trouveront là moyen de s’exprimer. Une attitude au demeurant partagée à gauche mais surtout à droite , tant il est vrai que l’époque est à l’incertitude en ces temps de pré-campagne présidentielle.
Francis Alexis HAMMER